RAN (1985)

Un magnifique film franco-japonais de 1985, d'Akira Kurosawa, à découvrir ou revoir sans faute.

Il s'agit de la transposition du Roi Lear, de Shakespeare, dans le Japon féodal du XVIème siècle. Un puissant et vieux seigneur, las et désabusé, décide de se retirer et de laisser ses domaines à ses trois fils. Ces derniers, loin de s'entendre, vont se déchirer en une lutte sans merci...

Voilà, tout y est : passion, intrigues, guerre, trahison et amour sur fond de grande fresque historique, flamboyante et cruelle. Du très grand Kurosawa, un film magnifique qui n'a pas pris une ride.
1400 armures spécialement fabriquées pour chacun des 1400 figurants des scènes de combats, tous les costumes cousus et brodés à la main pendant deux ans, un décor de château entier érigé sur les pentes du mont Fuji car Kurosawa refusait d'utiliser une maquette pour la scène de l'incendie...
Chevauchées impétueuses, fulgurance des couleurs, des étendards qui claquent dans la lumière, scènes de bataille époustouflantes, Ran est une claque visuelle, une fresque tumultueuse et passionnée, pleine de bruit et de fureur, brut, authentique, très loin des films de samouraï formatés et léchés de ces dernières années. Flamboyant, tragique, le film nous plonge dans la folie, la vengeance, l'amour et la haine, le pouvoir qui rend fou.
Somptueux. Indispensable aussi car des films comme ça, on n'en fait plus.

(Attention pour les jeunes spectateurs, certaines scènes sont violentes, le film a été censuré dans certains pays à l'époque)

Un excellent film, mais il faut aimer les films qui se posent, au rythme lent, là on en prend pour 2 h 40. Ça commence de manière assez innocente par une chasse au lièvre, suivie d'un petit repas champêtre, avec le fou du roi qui annonce la couleur. S'en suit la lente dégringolade de la famille. C'est à la base du Shakespeare, donc aucune souffrance n'est épargnée aux personnages, et les personnages moteurs sont des femmes.

Il y a quelques scènes très fortes, extraordinaires : la sortie de Hidetora de son château en flammes, l'entrevue entre Jiro et Kaede après la mort de Taro, la révolte de Kurogane qui refuse de tuer Sue (Sou-é, hein, pas Sue Helen) et accuse Kaede d'être une kistune (une femme-renard), la découverte de la hutte de Tsurumaru… Par contre, si on n'est pas captivé par l'ambiance, il y a moyen de s'ennuyer ^_^

Concernant les « jeunes spectateurs », je l'avais regardé avec mon fils alors qu'il avait 7 ans. Le seul truc qui l'a un peu marqué, c'est un samouraï qu'on voit avec une main en moins ; sinon, les combats sont assez esthétisés, on est plutôt dans le plan large, il n'y a pas de gros plans voyeuristes. Par ailleurs, le cadre est très distanciateur (le Japon médiéval est très éloigné du quotidien de l'enfant), et le violence est expliquée par l'histoire (il y a une méchante, ça ne tombe pas tout seul), deux éléments àmha protecteurs. Donc c'est à chacun d'évaluer, mais de mon côté ça n'a pas choqué mon fils.

et les personnages moteurs sont des femmes.

Une manière pour Kurosawa de se "rattraper" : dans Le roi Lear, le roi a trois filles, remplacées ici par trois fils pour être en accord avec les mœurs de l'époque où les filles ne comptaient pas forcément pour la succession.

Pour la violence, le film a été censuré en Allemagne mais ça remonte à 1985... Je pense bien qu'aujourd'hui, les jeunes en ont vu d'autres... Mais bon, j'ai préféré le signaler quand-même.

Une œuvre majeure et marquante, et un film devenu une classique. On retrouve en effet tous les éléments pour faire une grande fresque, rien n'est épargné aux personnages, c'est du théâtre à ciel ouvert.
Niveau esthétisme c'est du grand art, c'est coloré, les décors magnifiques, les motifs et couleurs des soldats et étendards. Tout est réuni pour en mettre plein les yeux mais de façon positive, pas comme les effets spéciaux modernes indigent.

C'est du Shakespeare à la japonaise oui, la grande scène de bataille est très stylisée, certains diront un peu trop (pas de bruits de bataille pendant un long moment, et l'omniprésence de la musique). Mais ça rentre bien dans l'ambiance du film, et son atmosphère si particulière.
Niveau bémol j'ai eu du mal avec le personnage du bouffon, assez pénible en faisant trop. Pour le reste le casting est solide et digne d'un grand film.

Bien sur ça ne parlera pas à tout le monde avec son coté décalé et son ambiance, mais ça reste une grande œuvre.

Connais pas mais bien envie de le voir