Dans les années 90 les auteurs vedettes de Marvel en ont eu assez d'être bridés dans leurs créations par la maison d'édition. Il se sont donc rendus en force chez le rédacteur en chef de l'époque dont j'ai oublié le nom (et d'ailleurs dont je n'ai aucune envie de me souvenir). Les ptits gars mettant dans la balance tout leur poids n'obtinrent comme seule réponse du
bonhomme "qu'il y aurait toujours des gens pour ramasser le coton". Je pense que c'est pour cette phrase que je ne veux pas me souvenir de son nom. Les auteurs claquèrent donc la porte et leurs démissions pour aller créer leurs propres studios et un nouvel éditeur : Image Comics. Merci à eux pour toutes ces bonnes BD sorties d'Image (Spawn, Savage dragon, Walking dead...).
Parmi ces auteurs il y avait un certain Rob Liefield qui resta peu de temps dans l'aventure s'étant rapidement pris la tête avec ses camardes. Chez Marvel, il avait en mains la série X-Force qui à mon sens est à ce jour et certainement pour toujours sa meilleures production. En effet Liefield n'est qu'un piètre scénariste et un dessinateur bloqué dans la mouvance 90'. Il ne sait dessiner que des héroïnes aux 95C (au minimum !) en apesanteur et des héros tellement pleins de muscles qu'ils en ont qui n’existent pas anatomiquement. Honnêtement j'ai adoré son X-Force à l'époque et je le relierai certainement avec plaisir mais depuis il n'a fait que de la daube !
Au lancement d'Image, il commit donc Youngblood et Team Youglood deux séries blindées de super-héros survitaminés et assez insipides ancrés dans une vague d'américanisme primaire. Leur premier adversaire s'appelait quand même Kussein...
Je vous laisse juger de l’esthétique. Croyez moi le scénario est à l'avenant. Du comics qui ne peut à mon humble avis que satisfaire des lecteurs américains assez basiques.
Dans le numéro 2 de Yougblood apparait le personnage de Prophet qui l'année suivante aura sa propre série.
La série fut tellement excellente que nul ne la traduisit en France. Je n'en ai pour ma part lu aucune ligne, je ne peux donc juger. MAis bon... comment dire... je n'y croix pas trop en ce prophète. Ah oui, Yougblood de ce côté de l'atlantique ne dépassa pas l'année de parution...
Bon je l'ai bien vendu là ? Non ? Ne partez pas ce n'est pas fini ! En 2012 des fous relancent la série sous le nom de John Prophet. Premier point étonnant c'est traduit chez Urban. Bon ils sortent beaucoup de choses et parfois des comics un peu bof mais tout de même ça mérite de se poser la question. Vu comment je viens de cracher sur les créations de Liefiel, il y avait peu de chance que je m'y plonge. Pourtant, oui pourtant, en feuilletant je me suis vu contraint de tenter la lecture. Tout ça à cause du dessin ! J'expliquerai cela un peu plus bas mais voici les couverture des trois volumes d'Urban :
Avouez que ça a plus de gueule que la série originelle !
Le pitch du volume 1 : Si elle a disparu, la civilisation des Hommes n'en reste pas moins sans ressources. Lorsque John Prophet s'extrait de sa capsule, encore abruti du temps passé en cryostase, il se met en marche avec une mission impérieuse : ressusciter l'empire humain en activant la balise qui propagera à travers le cosmos le signal du réveil de l'empire terrien jusqu'aux confins de la galaxie. La planète où John émerge est guère hospitalière et sa quête est loin d'être aisée.
Les deux tomes suivants, dont le 3 qui de part son volume en vaut bien deux, nous emmènent à travers l'espace et les vestiges de l'empire terrien et donc de son histoire. Et son histoire elle est pas jolie jolie ! Les terriens se sont érigés en dictateurs spatiaux exploitants ressources et peuples à travers les galaxies. Ce qui leur vaut un ennemi implacable qui compte bien empêcher la résurgence de cette vile engeance que nous sommes.
L'on parcourt à travers ces volumes des millénaires d'histoire, c'est dense, très dense, parfois compliqué à suivre mais c'est construit et pensé pour donner de la profondeur à "la petite" histoire que l'on suit et aux personnages. Même si celui qui est vraiment développé est le vieux Prophet, les autres étant un peu perdus dans la densité de l'ensemble de l’œuvre.
Là où Brandon Graham, l'auteur, est fort c'est dans son utilisation des anciens personnages de la boîte de Liefield. Il donne à ces personnages peu attractifs une nouvelle histoire à des millénaires, au sens propre comme au figuré, de leur vie originelle. Rassurez vous ne pas connaître ces personnages n'entache en rien l'intérêt que l'on peu éprouver à la lecture de ces cases. Bien au contraire ;-)
La richesse de l'univers créé dans ces pages peut également être sa faiblesse. Les ramifications multiples, les créatures étranges, les noms complexes, les lieux inconnus et improbables... peuvent perdre le lecteur. Je conseillerais donc à ceux qui se demanderaient si ça vaut le coup d'être lu de se lancer. Le volume 1 peut se suffire à lui seul. Il est le plus réussi ne souffrant pas de cette lame à double tranchant qu'est la richesse de cet univers. Je pense que tout le monde peut apprécier cette histoire simple qui cache quelques révélations lui donnant tout son intérêt (j'ai pas fait de spoiler ! Ouf !). Si le lecteur est embarqué par l'univers il pourra alors se laisser tenter par la suite.
Ah oui les dessins... Quand j'étais fort jeune, il m'est arrivé de me retrouver avec dans les mains un magasine du nom de Métal Hurlant (vous voyez ce que c'est ? ;-) A l'époque le sens des histoires me dépassait certainement et il fallut quelques années avant que je ne les redécouvre mais les dessins retenaient toute mon attention (et pas que les filles faiblement vêtues !). Ces univers oniriques sont certainement responsables de mon intérêt pour la SF qui perdure encore à ce jour. Et bien voilà ce que j'ai retrouvé dans les pages de John Prophet. Parmi Les dessinateurs fort nombreux de la série, j'y vois du Moëbius, du Caza, du Druillet, du Bilal... Un peu de madeleine de Proust ne fait jamais de mal pour vendre de la pâte de cellulose mais diantre que ça fait du bien ! Tous les artistes ne sont pas au niveau des Grands que je viens de citer mais les influences sont évidentes. Voilà une autre bonne raison de prendre quelques heures pour s'immerger dans ces pages de space opera.