LES EGLISES DE LALIBELA

L'Ethiopie est le siège, depuis des siècles, d'une foi chrétienne intense, profondément vécue par chaque habitant. Lalibela est donc incontournable puisqu'on l'a surnommé "la cité de la foi" ou même "la nouvelle Jérusalem".
Elle reste célèbre pour ses incroyables églises rupestres et monolithiques, sanctuaires creusés dans la pierre rose et dans la roche. Les plus célèbres sont celles dédiées à Saint Georges et Saint Emmanuel.

Voici la première, en forme de croix, vue du ciel :


Approchons :


Et nous voilà, "en bas" si l'on peut dire :


Saint Emmanuel :


Bete Maryam :


Elles auraient été taillées au début du XIIIème siècle sur ordre du roi Gebra Maskal Lalibela qui voulait permettre aux chrétiens orthodoxes éthiopiens de se recueillir, les pèlerinages vers Jérusalem étant de plus en plus difficiles suite à l'expansion de l'islam. Leur construction s'étala certainement sur plusieurs siècles.
Les églises, nommées ici "Bet" ou "Bete" sont divisées en trois groupes :

- Les six églises du groupe Nord-Ouest : Bete Debre Sina, Bete Mikael, Bete Gologota-Selassié, Bete Maryam, Bete Meskel et Bete Medhane Alem.
- Les quatre églises du groupe Sud-Est : Bete Gebriel-Rufael, Bete Merqorewos, Bete Abba Libanos et Bete Amanuel.
- Bete Giyorgis, l'une des plus célèbres, située seule au Sud-Ouest de ces deux ensembles, leur est relié par un réseau de tunnels et de gorges taillés dans la roche.
Le site comprend également d'autres édifices moins importants ou difficiles à identifier ; des chapelles comme Bete Danaghel dédiée aux martyres, une chapelle hypogée, ainsi que des constructions à caractères défensifs, tours, fossés, etc...


L'intérieur est très sobre, dépouillé, loin de tout faste baroque, même si les plafonds et chapiteaux des colonnes sont richements peints et ouvragés par endroits. Une atmosphère assez impressionnante, dans la pénombre, le silence, un nuage d'encens et des buissons de cierges lors des cérémonies :


Un ensemble monumental et impressionnant donc, taillé, littéralement creusé dans la roche rose et rehaussé par le vert de la végétation :


En découvrant cet endroit fabuleux, en septembre 1520, Francisco Alvarez, chapelain d'une mission occidentale envoyée à la cour impériale d'Ethiopie écrivît : "A mon avis, il ne se trouve rien dans le monde entier de semblable, des églises sculptées avec art dans le rocher vif."

Cette cité monastique se situe à 2630 mètres d'altitude dans les montagnes. Classée par l'Unesco en 1978, elle bénéficie d'une intense campagne de rénovation et de protection, d'où les structures et auvents qui surplombent certains monuments pour les protéger.

Effectivement, des lieux uniques et étonnants qui sont assez incomparables.
Je les connaissais depuis plusieurs années à travers les livres, mais pas avec autant de détails que dans cet article. Merci.

L'intérieur est vraiment très évocateur, on se croirait dans un palais oriental digne d'un film d'aventure ou historique. Et effectivement l'atmosphère semble incroyable, mélange de mysticisme, de paix et de repos.
J'apprécie également cette petite luminosité, parfaite pour la sérénité.

Pour ma part, je ne peux m'empêcher de penser à une autre Pétra. Mais ici, au lieu de creuser dans le flanc des falaises, on a carrément creusé le sol ! L'église en forme de croix dédiée à Saint Georges est assez stupéfiante sur l'image aérienne : on a littéralement creusé la montagne, comme une fosse, et elle repose au centre de l'excavation, formant une croix vue d'en haut. Assez fou...

Je reviendrai en détails sur les différents monuments de ce lieu unique.

L'église Saint Georges est la plus emblématique de Lalibela. Elle date du XIIIème siècle et elle est bâtie en forme de croix grecque, de 25 mètres de côté pour une hauteur de 30 mètres :


Contrairement aux autres, elle est indépendante, sise au centre de l'excavation qui l'accueille dans la montagne. Pas moins de 3400 mètres cube de roche ont été ainsi arrachés à la montagne. C'est le roi Gebre Mesqel Lalibela qui en ordonna la construction.
Elle est l'aboutissement de nombreux pélerinages et cérémonies. Des foules de pélerins sobrement drapés de blanc y convergent alors, un nuage d'encens emplit le lieu et la lumière de milliers de cierges troue la pénombre...
L'intérieur est très sobre, brut et dépouillé, empli de pénombre et de silence :


La vraie richesse se trouve dans le saint des saints avec l'autel, les tapisseries et surtout les plafonds peints et sculptés qui rapellent irrésistiblement Byzance et Sainte Sophie :


Pour en revenir à Lalibela elle-même, la légende veut que le roi Lalibela fût inspiré par une vision divine pour lancer la construction de sa cité de pierre rose. On fît venir des tailleurs de pierre de Jerusalem et d'Alexandrie. Pour l'ensemble de la cité, on déblaya 100 000 mètres cube de roche. Sur les 11 églises du site, seules 4 sont entièrement détachées de la montagne. Certaines restent enfouies dans leur "fosse" et ne sont visibles que d'en haut. Pour les protéger des pluies diluviennes, le fond de chaque excavation a été creusé en pente, pour faire ruisseller l'eau de pluie.
Lalibela est régulièrement considérée, à l'instar d'autres monuments à travers la planète, comme la huitième merveille du monde...

La foi éthiopienne accorde une dévotion toute particulière à la Vierge. Rien d'étonnant donc à trouver parmi les plus grandes églises de Lalibela Bete Maryam, consacrée à la Vierge Marie.

Située au nord-ouest du site avec six autres églises, elle forme un bloc imposant et majestueux à la façade assez sobre, contrastant avec un intérieur coloré et richement décoré et comme beaucoup d'autres, elle est surplombée d'un dais de protection depuis plusieurs années. Particularité : son vaste plafond est soutenu par un unique pilier central, nommé "pilier de la lumière" et sensé représenter l'incarnation du Christ. Le bâtiment est en fait un grand rectangle de pierre rose de 13 mètres sur 9 et d'une hauteur de 9 mètres également.

On y trouve certains éléments décoratifs inattendus que certains s'approprieront de façon sinistre des siècles plus tard :


Cette église, la préférée du roi Lalibela, est richement décorée à l'intérieur avec une recherche certaine au niveau des plafonds :



Des fresques colorées, des peintures dessinées directement sur la roche et de grandes tentures ornent les différents espaces. La plupart de ces oeuvres, d'un style épuré, presque naïf et très coloré, présentent des couleurs très vives :

J'ignorais totalement l'existence de cette citée, c'est superbe, cela n'a rien à voir avec l'image qui a été forgée dans les années 80. J'avais eu vent d'un minorité juive en Ethiopie mais avait sous estimé la proportion de chrétiens (60% environs). Finalement c'est un pays plein de surprises.

L'Ethiopie est un pays de montagnes et de hauts-plateaux avant tout, bordé d'une ceinture de déserts. On y trouve pas moins de six zones climatiques et une saison des pluies importante qui couvre le pays de mousse, de végétation et de fleurs en septembre-octobre. Avec le Maroc, c'est le pays d'Afrique qui offre le plus de sites classés au patrimoine mondial.

Au niveau religion, l'Ethiopie a embrassé très tôt la foi chrétienne (orthodoxe) et fonctionne sur le calendrier julien qui compte 7 ans de moins que notre calendrier grégorien. Je parlerai bientôt des églises peintes du lac Tana et des monastères rupestres du Tigré. La foi y est très forte, très présente et des sites comme Lalibela restent pris d'assaut par les pélerins.

Reprenons notre promenade dans Lalibela...
On parle de roche, mais qu'en est-il au fait ? Il s'agit de tuf, durci par le vent et la pluie au fil du temps, mais qu'il reste possible de tailler. Un long travail, toujours entamé depuis le haut vers le bas et difficile : beaucoup de murs ne sont pas droits et leur épaisseur varie par endroits. Le tout a été fait au pic et au ciseau de sculpteur, à la sueur et force des bras...

La visite suit un sens précis, depuis l'entrée dans la partie nord, la plus importante. C'est là que les prêtres vous demanderont un modeste prix d'entrée. A partir de là, le chemin suit la pente naturelle de la montagne qui favorise également l'écoulement des eaux de pluie. C'est donc le chemin habituel, mais plus pour des raisons pratiques, c'est plus facile physiquement.
Les pélerins, eux, suivent une symbolique toute autre : ils parcourent le site d'Ouest en Est, de la mort, le péché, la faute, vers la lumière, la résurection, le salut. L'étape finale à l'Est est ainsi l'église du Christ Sauveur, Lumière du Monde :



Vue d'en haut :


Cette église est la plus vaste du site (33,5 mètres par 23,5 mètres et 11 mètres de hauteur), édifiée dans une fosse de 40 mètres de long et ornée sur son pourtour d'un portique de 34 piliers rectangulaires.
D'autres piliers à l'intérieur au fil des 5 nefs successives, ce qui ferait avec les 34 de l'extérieur 72, qui symbolisent les 72 apôtres, "piliers" du message répandu par le Christ. Rien n'est jamais laissé au hasard à Lalibela...
Un intérieur d'une sobriété extrême où rien ne doit détourner de la prière et de la méditation, un intérieur inondé de lumière, contrairement à la pénombre des autres édifices du site :

Lalibela n'est pas qu'une merveille architecturale. La "Jérusalem noire" est avant tout un lieu sacré, extrêment important pour les éthiopiens. Ces derniers, empreints d'une foi intense et profonde, entretiennent avec Lalibela une relation presque charnelle : il n'est pas rare de voir des pélerins toucher, caresser ou embrasser les murs des églises du site. Partout, des prêtres qui lisent la bible, en chantent ou récitent des passages. Les fidèles, accroupis ou appuyés contre les murs, prient, méditent, ou lisent. La cité monastique compte 670 prêtres "résidents" qui y vivent avec leur famille.



Les 11 églises principales sont reliées par un réseau de couloirs souterrains et chacune possède une réplique de l'Arche d'Alliance, sortie et promenée en grande pompe lors de certaines cérémonies comme le Timkat (en janvier), pour Pâques ou pour le Noël orthodoxe, qui coïncide avec la célébration de la naissance du fondateur de la ville, le roi Lalibela. Les pélerins sont sobrement vêtus de blanc (parfois de jaune sans que l'on sache pourquoi), contrastant avec les tenues fastueuses et colorées des prêtres, brandissant leurs immenses croix.

La musique et le chant sont également très présents à Lalibela : par moments, les pélerins chantent les textes sacrés et les prières et c'est alors un véritable choeur, une immense oraison qui monte des profondeurs de la cité taillée dans la roche. De nombreux prêtres chanteurs accompagnent alors les pélerins et dansent au rythmes des tambours et des crécelles tandis qu'un nuage d'encens embrume l'intérieur des églises. Et à la nuit tombée, lors des cérémonies, la cité se pare de lumière avec les innombrables bougies et cierges tenues par les pélerins :




Mais Lalibela est également une ville de 20 000 habitants, implantée un peu à l'écart du site et desservie par un aéroport. Elle acueille 40 000 touristes par an, en plus des innombrables pélerins éthiopiens.

Une carte du site :


On y voit le fameux tunnel, en fait un ensemble de galeries souterraines qui permet de relier les principales églises du site. Une de ces galeries :


Le cours d'eau qui traverse le site symbolise le Jourdain, fleuve où Jésus fût baptisé.
Les pélerins vont donc d'Ouest en Est, de Bet Giyorgis à Bet Medhane Alem.
C'est vraiment maintenant qu'il faut aller à Lalibela car la Jérusalem Africaine change : il y a peu, il n'y avait ici qu'un village, sans eau courante ni électricité et à la saison des pluies, la route qui y menait devenait impraticable. Aujourd'hui, il y a un aéroport... En 2013, sous la pression des prêtres, le tarif d'entrée passe d'un coup de 14 à 42 euros... Certains voyageurs qui y sont retournés se plaignent de demandes d'argent pour une photo, pour entrer dans tel ou tel endroit...
Le revers de la médaille.

Considérée par les éthiopiens comme la huitième merveille du monde, la cité monastique taillée dans la roche est en péril. La faute aux précipitations torrentielles qui, la saison venue, fragilisent la roche, créant des infiltrations destructrices. Des bâtiments s'affaissent, des fissures apparaissent…

Afin de protéger les églises, des structures protectrices (très moches) ont été mises en place :



Autrefois, les habitants et les fidèles criaient au scandale, accusant ces structures de défigurer le lieu saint. Aujourd'hui, ils craignent que sous l'effet des pluies, des vents violents ou d'un séisme, elles ne s'effondrent. Certains accusent également les massifs piliers métalliques d'affaisser et d'endommager le sol et par conséquent, le plafond des cryptes et chapelles souterraines. D'autant plus qu'installées en 2008, les structures ne sont garanties que 10 ans.
Avec un humour cynique, les éthiopiens disent même que c'est "la vengeance des italiens", les structures ayant été fabriquées en Italie, allusion à la défaite italienne devant les éthiopiens à la bataille d'Adoua (voir Civilisations africaines chez L'historien).

De leur côté, l'Eglise et l'état (qui gèrent le site conjointement) assurent que les structures sont prévues pour bouger avec le vent et avec le sol en cas de séisme et suffisamment solides pour tenir au-delà de la garantie. Rien n'y fait, c'est désormais le langage de sourds entre l'état et les fidèles. Situation épineuse car en Ethiopie, on ne rigole pas avec la "nouvelle Jérusalem", vieille de neuf siècles et qui abrite également le tombeau du roi Lalibela.
En visite officielle, Emmanuel Macron a promis l'aide de la France pour établir une expertise complète du fabuleux complexe monolithique et une vaste campagne de rénovation et consolidation.
Il n'en reste pas moins que prêtres, fidèles et de nombreuses personnes sont très inquiets, plusieurs accueillant désormais les touristes avec un T-Shirt sur lequel est écrit "Save Lalibela" !

Rappelons que Lalibela, c'est une véritable cité monastique, 11 églises creusées dans la roche sous le niveau du sol (seuls les toits sont visibles au niveau du sol), dont certaines de 15 mètres de haut avec à l'intérieur des nefs aussi grandes que cinq piscines olympiques, le tout bordé de douves sèches et communiquant par des passerelles et ponts de pierre. Sans compter fresques, peintures, bas-reliefs et sculptures.
Pour combien de temps encore…