WHITEHALL (Floride)

Nous poursuivons notre tour des demeures "Gilded Age" avec :






Cette grande demeure diffère des autres édifiées à la même époque, en raison de son propriétaire et de son emplacement. Contrairement aux autres vues jusqu'ici, elle n'est pas située aux environs de New York ou Boston mais sous le soleil de Floride. Et cela nous amène à son propriétaire, Henry Flagler.


Un homme étonnant, considéré aujourd'hui comme le père de Miami et Palm Beach, rien de moins.
Né en 1830, Flagler est d'origine très modeste et quitte le domicile familial à 14 ans pour travailler comme garçon de courses. A 19 ans à peine, il est chef de vente et ne tarde pas à fonder sa propre société. Mis en faillite par la Guerre de Sécession, il rebondit, devient grossiste en céréales et s'associe au richissime Rockfeller pour se lancer dans le pétrole. Le succès ne le quittera plus.
C'est alors qu'il se rend en Floride avec sa première épouse qui souffre de problèmes respiratoires et à qui les médecins conseillent le soleil et l'air marin et surtout des hivers plus doux. A cette époque, la Floride est peu développée et a mauvaise réputation, une région de marécages, de surcroît mal desservie par les routes et les chemins de fer. Mais Flagler tombe amoureux de l'endroit et, malgré la mort de sa femme trois ans plus tard, il investit massivement dans cet état ensoleillé. Visionnaire, il y voit un endroit idéal pour le tourisme, fait construire de somptueux hôtels, désenclave l'état en développant le chemin de fer, développe des stations balnéaires, donne de grandes fêtes pour attirer la haute société... Il fonde ainsi Palm Beach avant d'étendre le réseau ferré jusqu'à une bourgade qui, sous son impulsion, va connaître un essor prodigieux. Les habitants, reconnaissants, proposent de nommer la ville Flagler en son hommage mais celui-ci refuse et propose de la nommer de son nom amérindien : Mayaimi, devenue Miami. Il développe ensuite le réseau ferré jusqu'aux îles de Key West et attire une clientèle huppée sous le soleil de Floride.


C'est en 1902 que Flagler inaugure cette demeure qu'il offre à sa troisième épouse, en dépit du scandale. Scandale ? Oui, car au moment du mariage, Flagler a 71 ans et Lily en a 33... Peu importe, il lui offre pour un million d'actions de sa compagnie, un million de bijoux et lui fait la promesse de lui faire construire une maison. Ce sera donc Whitehall. Elle sera leur résidence d'hiver, loin des hivers rigoureux et glacés du nord du pays et ils y donneront des fêtes somptueuses. Le maître de maison y meurt en 1913, suite à une chute dans l'un des escaliers de marbre. Il sera enterré aux côtés de sa première épouse et de sa fille. La maison devient un hôtel de luxe dans les années 1920 mais est menacée d'être rasée en 1959. C'est la petite-fille de Flagler qui la sauve via une fondation et en l'ouvrant au public. Elle en fait un musée à la gloire de son grand-père dans le même temps. Aujourd'hui, 100 000 personnes visitent la demeure chaque année, ce qui permet d'entretenir le domaine.
L'ensemble, de style néo-classique, compte 75 pièces. Il est bâti autour d'une cour intérieure ornée d'une fontaine et compte 13 000 pièces de mobilier, vases de porcelaine chinoise, statues, tentures et peintures. La bibliothèque du maître de maison compte elle des milliers d'ouvrages. La maison était équipée à l'époque du chauffage central qui permettait surtout d'aspirer l'humidité tropicale et ainsi éviter le développement de moisissures. La clôture en fer et bronze qui ceinture la propriété est de 1901 et a résisté depuis, soigneusement traitée, aux vents marins et à la corrosion. La demeure compte enfin 10 magnifique horloges, chacune dans un style différent, qui sont d'époque et fonctionnent toujours.






Impressionnant, vaste, on y accédait par des portes de bronze ornées de têtes de lion et devant lesquelles se trouvaient, 24 heures sur 24, des valets en livrée. Le hall est composé de sept variétés de marbres différents, certains venus de Russie. Le plafond est orné d'une représentation de la Pythie, prêtresse qui rendait les oracles d'Apollon au sanctuaire de Delphes. La peinture est flanquée de deux autres, L'aurore au nord et La lune au sud. On trouve également dans le hall une des 10 horloges de la demeure (de style Louis XV et exposée à Paris lors de l'Exposition universelle de 1900). Enfin, un buste de l'empereur romain Auguste, un immense tableau représentant le maître des lieux et un autre sa petite-fille complètent la pièce.





Depuis ce grand hall, on accédait aux étages par le vaste escalier :





Les différentes chambres sont en général désignées par la couleur dominante de leur décoration.




Chose étonnante, le couple dormait dans la même chambre, contrairement aux usages de l'époque où maître et maîtresse de maison avaient chacun leur chambre.



Décorée en style Louis XV, la chambre a sa propre salle de bain, avec éviers et baignoire en onyx, toilettes avec chasse d'eau et, plus surprenant, le téléphone...






Elle est équipée dans le fond d'un orgue à 1 249 tuyaux. La maîtresse de maison y recevait ses amies pour y jouer de la musique et y organisait également des parties de bridge. On y trouvait aussi la collection de tableaux de la famille. Le plafond est peint d'une représentation de L'aurore.




Cette pièce lumineuse, blanche et or, inspirée du style Louis XVI, était dédiée à la conversation. Au-dessus de chaque porte et de chaque miroir se trouve une effigie de Marie-Antoinette. Le piano a été spécialement conçu pour la maison et il est peint d'une allégorie d'Erato, muse de la poésie. Les chandeliers sont en aluminium, grande innovation technique pour l'époque.




Inspirée du style Louis XV, le couple y donnait de fastueuses soirées. Il s'agissait d'attirer la haute société newyorkaise pour développer le tourisme balnéaire voulu par Flagler en Floride. Quinze portes et fenêtres donnent sur cette pièce, éclairée par des lustres en cristal de Baccarat faits spécialement pour la maison. Les murs sont ornés de douze appliques en bronze et cristal.
En 1903, le couple donna dans cette pièce un bal nommé "le bal poudré", qui fût considéré par la presse comme "l'évènement mondain le plus brillant jamais donné au sud de Washington".



Et on passe sur la salle de billard, la salle du matin (où la maîtresse de maison admirait le lever du jour en buvant son café ou rédigeait sa correspondance), la salle à manger, les quartiers des domestiques...


Si vous allez faire un tour dans le parc, vous pourrez visiter le Pavillon, conçu de manière à représenter une gare :



Si Flagler a investi des sommes folles pour développer le tourisme balnéaire en Floride, il est surtout celui qui a désenclavé l'état par rapport au reste du pays en le reliant aux grandes villes par le chemin de fer. Le Pavillon rend donc hommage au maître des lieux.
Mais surtout, vous pourrez y admirer et visiter son wagon privé, qui porte le numéro 91.



Construit en 1886, superbement restauré, il s'agit donc du wagon privé de Flagler, qui l'utilisait lors de ses déplacements.
Véritable palace sur roues, il comprend une chambre avec salle de bains équipée de toilettes et d'une douche, un bureau, un salon et une cuisine entièrement équipée.




Si la visite du wagon 91 vous a plu, je vous conseille alors de vous rendre au Monon Connection Museum dans l'Indiana.
L'endroit abrite un autre wagon privé voulu par Flagler, plus tardif, destiné à lui et à sa troisième femme à laquelle il a offert Whitehall. C'est le wagon 90 :



Flagler, lorsqu'il le commanda en 1890 voulût "le wagon le plus cher que l'argent puisse acheter". Les images parlent d'elles-mêmes... On notera la cheminée, fonctionnelle, en marbre et onyx venus du Pakistan.






Whitehall est donc située à Palm Beach, en Floride.
La demeure se visite et elle est devenue un musée consacré à Henry Flagler, celui qui, pour beaucoup, créa littéralement la Floride moderne.
Au-delà de la maison, vous pourrez donc visiter le Pavillon, véritable gare miniature abritant le wagon privé 91 et découvrir beaucoup de documents, de photos d'époque qui donnent une idée de ce qu'était la Floride du Gilded Age... Vous y découvrirez par exemple des photographies du Washington birthday ball : un grand bal annuel en l'honneur de Georges Washington qui réunissait, chaque année, plus de 3000 invités, en grande tenue et qui était le point d'orgue de la saison mondaine en Floride.

Je me contenterai du pavillon et du wagon privé, étonnants.