Après un Vulméa à la limite de l'insipide, le Maître se devait de rebondir. Et c'est du très lourd qu'il nous offre avec ce nouveau héros, l'un des plus charismatiques sans doute de l'univers howardien.
Howard revient ici à ses premiers amours, les peuples celtiques et nordiques ainsi que les Pictes. L'action se déroule à la frontière entre la Britannia (l'Angleterre sous domination romaine) et les terres de ceux qui seront plus tard les écossais. Un monde de landes et de bruyères, de vents glacés et de mers grises, de clans et de tribus. Et pour couronner le tout, le superbe Bran Mak Morn, roi des clans pictes, dernier descendant des grands rois d'autrefois, dernier d'une prestigieuse lignée régnant sur un peuple picte en régression et devant faire face à l'avancée irrésistible des légions romaines.
Bran est incontestablement charismatique : sombre et taciturne, auréolé de mélancolie, il a quelque chose de fatal et de tragique. Il a parfaitement conscience d'être le dernier maillon d'une lignée presque éteinte, le descendant d'une race à la splendeur passée, à la flamme vacillante, et cela nimbe ses aventures et son caractère d'une indicible mélancolie.
Ce dix-huitième volume nous régale de pas moins de sept récits :
- La race oubliée
- Les hommes des ténèbres
- Les rois de la nuit
- Un chant de la race
- Les vers de la Terre
- Fragment
- Le crépuscule du dieu gris
Contrairement à mes précédentes critiques, je ne détaillerai pas chacune d'elles, il suffit de savoir qu'elles sont sombres, épiques et prenantes, sur fond de landes battues par le vent et de ciels gris, de guerres tribales et d'intrigues de clans, de sauvagerie primitive et d'héroisme. Le tout dans une tonalité sombre, mélancolique, au goût de fatalité et de destin. Un régal.
A savoir que
Un chant de la race est un poème et
Fragment, comme son nom l'indique, le début d'une histoire restée inachevée. De plus, Fleuve Noir nous régale en introduction d'un
avant-propos de plusieurs pages où Howard lui-même explique sa fascination pour les Pictes et les peuples celtiques.
Si l'ensemble est superbe, deux histoires s'en détachent encore plus. Dans
Les rois de la nuit, Howard brise les barrières du temps et de l'espace et projette Kull de Valusie dans le monde et l'époque de Bran pour aider ce dernier à repousser les légions romaines au cours d'une formidable bataille. Venu du passé par la magie d'un druide, Kull viendra en aide à Bran, descendant de Brule le tueur à la lance, ami de Kull. Envoûtant et épique.
Et puis, il y a surtout
Le crépuscule du dieu gris, où Howard a écrit certaines de ses pages les plus somptueuses. Bran en est absent mais qu'importe ! Derrière les puissantes murailles de Dublin se sont rassemblés les derniers païens de ces terres, sous l'autorité du sauvage et puissant Brodir. Au-dehors, 20 000 guerriers venus de tous les clans, unis derrière le roi Brian et sous la bannière chrétienne assiègent la ville. Conn, guerrier errant et rejeté de son clan se joint à eux pour la formidable bataille qui s'annonce. Mais cette guerre est aussi une guerre de femmes : Brodir le païen est plus ou moins manipulé par Kormlada la reine barbare tandis que dans l'autre camp, la douce Evin, issue du mystérieux peuple elfique, a vu la mort prochaine de Dunlang son amant et veut tout tenter pour le sauver. Et au-dessus de tout cela plane la présence du dieu gris, Odin en personne, qui sait très bien que son règne s'achève et que même les dieux peuvent mourir...
Somptueux, épique, barbare et envoûtant, teintée là encore de destin et de fatalité. Indispensable.